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Interview de Laurent Favre, Senior Vice-Président – Directeur de la Conformité et Expert en gestion des risques chez Citi à New York

laurent favre

« Je suis convaincu que la séniorité est un atout précieux dans le monde professionnel. À condition que chacun prenne sa vie en main et s’attache à développer et mettre à jour son expertise et ses compétences »

Bonjour Laurent, pourriez-vous vous présenter ?

Bonjour, je m’appelle Laurent Favre, j’ai 52 ans, je suis marié et père de trois enfants. Je vis aux États-Unis depuis une dizaine d’années, initialement arrivé en tant qu’expatrié pour travailler pour une banque française.

Je suis expert en gestion des risques, travaillant actuellement pour Citi en tant que Senior Vice-Président dans le Sud de Manhattan à New York. Mon rôle consiste à diriger un cadre robuste pour la conformité et la gestion des risques. Je suis passionné par mon activité et travaille beaucoup pour construire et développer cette solide expérience dans le domaine de la finance, acquise au cours de plus de 25 ans de carrière, dont 15 ans passés chez BNP Paribas à Paris. Mon expertise couvre un large éventail de domaines, notamment la conformité, la gestion des risques, et la réglementation américaine.

J’ai suivi un Executive MBA spécialisé en gestion d’entreprises avec HEC Paris. Je parle couramment le français et l’anglais et je suis un fervent partisan de l’expatriation, que je considère comme une expérience enrichissante et formatrice.

Aujourd’hui, vous avez 52 ans, quel est le rapport que vous avez avec le fait de prendre de l’âge ?

Je considère le vieillissement comme une chance et un atout, tant pour moi que pour mon employeur.

Avec l’expérience, j’ai pu développer ma confiance en moi que j’avais moins à 20 ans. Mon expérience me permet d’être plus efficace dans mon travail et d’assumer un rôle de leadership que je n’aurais peut-être pas pu avoir à 30 ans. Mais également, je peux mettre à profit cette expérience pour m’adapter aux nouvelles technologies, comme l’intelligence artificielle qui me passionne.

La séniorité est valorisée aux États-Unis, notamment dans le secteur bancaire. Les entreprises recherchent des profils expérimentés, contrastant peut-être avec la stigmatisation parfois rencontrée en Europe.

Cependant, je pense que le vieillissement s’accompagne de certains défis :

  1. Le rythme de vie peut être plus difficile à gérer avec une famille plus nombreuse qu’à 20 ans.
  2. Pour moi, il est vraiment nécessaire d’agir pour rester compétitif et performant, notamment face à des collègues plus jeunes. Personnellement, je m’investis dans des activités pour partager mon expérience et rester visible dans mon domaine. Je regrette de ne pas avoir compris plus tôt l’importance de se concentrer sur un métier et de développer une expertise pointue.

Je suis donc convaincu que la séniorité est un atout précieux dans le monde professionnel. À condition que chacun prenne sa vie en main et s’attache à développer et mettre à jour son expertise et ses compétences.

Et au sein de Citi dans votre fonction en particulier ?

Citi accorde une grande importance à l’expérience des seniors. L’entreprise reste très ouverte aux profils avec 20, 25, voire 30 ans d’expérience, ce qui est très positif.

Cette valorisation se traduit par une meilleure « cote » sur le marché du travail et des revenus plus élevés pour les seniors. L’expertise et les connaissances acquises au fil des années sont particulièrement précieuses dans un contexte de transformation numérique et d’arrivée de nouvelles technologies comme l’IA. Avec mes compétences que j’ai beaucoup cherché à développer personnellement, je suis régulièrement sollicité pour partager mon expertise lors de conférences et de séminaires, ce qui témoigne de la reconnaissance de ma valeur par mes pairs.

De manière générale, les entreprises américaines ont des managers qui sont formés pour accompagner leurs équipes et les aider à se développer. C’est une culture d’entreprise qui valorise l’initiative, la prise de risque et l’apprentissage par l’échec.

Également, il n’y a pas de discrimination à l’embauche basée sur l’âge, les seniors sont traités de la même manière que les autres employés.

Je me sens donc privilégié d’évoluer dans cet environnement, mais je nuancerais mes propos par le fait que le rythme de travail dans l’entreprise américaine peut être intense et exigeant, ce qui peut être plus difficile à gérer pour les seniors avec des responsabilités familiales. La performance reste un critère essentiel pour conserver son emploi, et les seniors doivent continuer à faire leurs preuves. Les entreprises américaines peuvent parfois se montrer impitoyables et se séparer facilement des employés qui ne répondent pas aux attentes.

Est-ce que vous diriez que cela fait partie d’une politique QVCT / RSE ?

La valorisation de l’expérience et de la séniorité fait partie des « standards » des grandes banques américaines.

Dans la plupart des grands groupes américains, il est mis en place :

  1. L’égalité des chances et la non-discrimination en fonction de l’âge : les mêmes opportunités de formation et d’évolution sont offertes à tous les employés, quel que soit leur âge.
  2. Le développement des compétences et l’employabilité tout au long de la vie : L’accent est mis sur la formation continue et permet aux seniors de s’adapter aux nouveaux enjeux du secteur et de rester compétitifs sur le marché du travail.
  3. Le bien-être au travail : Des initiatives sont mises en place pour favoriser le bien-être des employés, comme les salles de sport et les cours de gestion du stress, qui contribuent à créer un environnement de travail plus sain et plus inclusif pour les seniors.

Si vous deviez prodiguer des conseils aux plus jeunes ou aux seniors qui nous lisent ?

Plusieurs conseils clés me viennent à l’esprit pour bien vieillir, notamment dans le contexte professionnel américain :

  1. Ne jamais cesser de se former et se remettre en question : La formation continue est essentielle pour rester compétitif face aux jeunes générations et à l’évolution rapide des technologies. Il ne faut pas hésiter à se remettre en cause et à sortir de sa zone de confort pour acquérir de nouvelles compétences. J’encourage les jeunes à commencer à réfléchir à leur développement professionnel à long terme dès l’âge de 35 ans.
  2. Développer une véritable expertise : Il est crucial de se concentrer sur l’acquisition d’une expertise pointue dans un domaine précis plutôt que de chercher à gravir les échelons hiérarchiques trop rapidement. L’expertise est la meilleure protection face à l’automatisation et à la concurrence des robots. Les entreprises recherchent de plus en plus d’experts capables de prendre des initiatives et de travailler de manière autonome.
  3. S’adapter et embrasser le changement : Il faut être ouvert au changement et ne pas hésiter à changer d’entreprise pour acquérir de nouvelles expériences et découvrir de nouvelles cultures. S’adapter à un nouvel environnement professionnel peut être un défi, mais c’est aussi une opportunité de grandir et d’apprendre.
  4. Ne pas avoir peur de l’échec et de la prise de risque : L’échec est valorisé aux États-Unis, car il est perçu comme une étape nécessaire à l’apprentissage et à la réussite. Il faut oser prendre des risques et ne pas se laisser décourager par les difficultés.
  5. Adopter une attitude positive et ne pas se laisser décourager : J’encourage les seniors à ne pas « lâcher » et à continuer à se battre pour leurs objectifs.

En conclusion, je dirai que j’ai une vision très positive du vieillissement, qui pour moi, est une source d’opportunités et d’enrichissement.