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Interview de Dominique Gobetti, Chef d’Établissement à Versailles

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« J’ai un regard ambivalent avec le fait de vieillir (…) Je crois en la notion de transmission »

 

Bonjour Dominique, pourrais-tu te présenter ?

Je m’appelle Dominique Gobetti. J’ai été Proviseur au lycée Jacques Feder pendant 4 ans.

Aujourd’hui, à 58 ans, je viens d’être nommée Chef d’Établissement à Versailles.

Je viens de province, j’ai vécu toute ma jeunesse à Nantes.

J’ai passé les concours d’enseignement et j’ai été Professeur agrégé d’histoire géographie à Garges les Gonesse puis à Suresnes.

Je suis mariée et j’ai 3 enfants.

Comme je me suis toujours dis que je ne voulais pas vieillir en me disant « c’était mieux avant », j’ai décidé de me rechallenger lorsque les enfants étaient un peu plus grands, en changeant de métier.

Dans l’éducation nationale c’est compliqué, je voulais rester du côté « élèves », j’ai donc passé le concours de chef d’établissement et j’ai été reçue à 40 ans.

C’est souvent à cet âge-là que les femmes commencent une nouvelle carrière.

Aujourd’hui, tu as 58 ans, quel est le rapport que tu as avec le fait de prendre de l’âge ?

J’ai un rapport ambigu avec le fait de prendre de l’âge pour être tout à fait honnête.

J’adore mon travail, je vois plein de monde.

J’ai la chance de travailler avec la jeunesse 15/22 ans, je ne vois pas le temps passer avec cette jeunesse, leur impertinence leur mode de vie, de penser, je suis toujours entourée de jeunes.

Cependant, dans l’organisation, je sens que je suis vieille, je n’ai pas le même rapport à l’histoire, la mode,  à l’actualité culturelle.

C’est donc plutôt dans le regard des autres que je sens que je vieillis.

Et également, quand je me retourne en arrière, je me dis que j’ai vieilli alors que je me sens toujours en forme, je pourrais aller en boite nuit, j’ai beaucoup d’insouciance.

Physiquement, j’ai la chance d’avoir le même profil en prenant de l’âge, donc je ne me vois pas vieillir.

Mais quand je regarde des photos de moi à 20 je me dis « ah ouais » !

Là, je vois que j’ai 30 ans de plus.

Quand je me regarde aujourd’hui, je vois ma mère, je vieillis comme ma mère

Même si elle vieillit très bien physiquement, ça me donne des petites angoisses car quand elle avait mon âge, je jetais un regard différent sur les personnes de 50/60 ans

Un exemple il y avait un pot de départ d’une professeure que j’apprécie et en discutant avec elle, elle me dit « Madame Gobetti, surtout ne changez pas, gardez votre dynamisme, c’est rare pour une femme de votre âge ! ». Elle pensait me faire un complément alors que ça m’a un peu plombée.

C’est quoi finalement « une femme de mon âge » ?

Donc je m’entretiens beaucoup. Je suis très « dans le contrôle » je prends soin de moi.

Je ne cède pas au stress alimentaire mais je dois retrouver une routine sportive car j’ai arrêté et je suis un peu fatiguée.

De plus, pour moi être senior, c’est également aborder la question de la retraite et là, je ne sais pas du tout comment je devrais aborder cette transition.

Je ne me projette pas car ça m’angoisse.

Notamment, le fait de vieillir physiquement ou être à l’écart de la société.

J’ai un peu de nostalgie sur le temps qui est passé.

J’ai donc un regard ambivalent avec le fait de vieillir.

Et au sein du Ministère de l’Éducation dans ta fonction en particulier ?

L’avantage au Ministère de l’Education par rapport au fait de vieillir, c’est qu’on n’est pas menacée par un licenciement à cause de l’âge.

On a cette certitude d’avoir son travail jusqu’à sa retraite et c’est nous qui choisissons notre retraite. On peut même décaler l’âge et aller au-delà des 64 ans

L’âge n’est pas vu comme un problème au sein du personnel d’encadrement et depuis quelques temps, je suis formatrice et tutrice. J’essaye ainsi de partager mon expérience avec des nouveaux chefs d’établissement plus jeunes, je forme également des gens aux concours …

C’est un dispositif qui existe et pour lequel je suis volontaire.

Je veux transmettre aux jeunes personnes qui arrivent.

J’aime et je crois en cette notion de transmission

L’âge finalement peut être considéré comme un atout, on a plus de recul, de pondération, de patience dans le travail, d’empathie.

Je continue également à me former, j’aime apprendre, j’ai fait un master en management d’organisation scolaire il y a 10 ans alors que je ne connaissais que l’histoire géographie..

Ça permet d’avoir du recul, de mettre ses connaissances dans des cases.

Je suis capable de m’autoformer. J’aime bien apprendre je suis curieuse. Donc je n’attends pas et j’essaye de ne pas être en décalage.

Est-ce que tu dirais que cela fait partie d’une politique QVT / RSE ?

 Pas spécifiquement.

Y a-t-il une politique Seniors ? Politique de management intergénérationnel ? Et si oui, comment cela se passe-t-il ? Quels sont les effets sur toi ?

Chez nous, c’est un système de points.

On est sensibilisés aux humains et notamment aux différences sur le bien vieillir avec la Région qui fait attention au personnel qui vieillit et des personnes qui sont soumises aux contraintes physiques. Donc il faut les accompagner pour que toutes les personnes ne partent pas à la retraite en même temps. Et avec la Région, des aménagements organisationnels et physiques pour le personnel sont mis en place et on y fait attention dans notre management.

Je ne me sens pas gérée différemment à mon âge.
Des collègues ont parfois du mal à superposer toutes les taches car physiquement ils ont plus de mal et auraient plus de besoin de formation, notamment sur la gestion du temps.

Personnellement, je trouve qu’avec l’expérience on gère mieux son temps que lorsqu’on est plus jeune.

Ce que je veux montrer aux jeunes filles, c’est qu’on peut s’épanouir dans sa vie professionnelle et personnelle et qu’on peut mener les deux de front. Avec une bonne organisation, un bon mari, c’est possible. C’est l’idée de transmissions, on peut vieillir er on peut avoir les deux en même temps. Donc je travaille sur la déconstruction des clichés. Ce n’est pas parce qu’on a des enfants qu’on va s’arrêter de travailler. C’est l’expérience qui permet de faire cette transmission.

Si tu devais prodiguer des conseils aux plus jeunes, aux seniors qui nous lisent ?

Je dirais spontanément :

  • Faire un métier qui plait vraiment ;
  • Vivre avec des gens qu’on aime ;
  • Savoir aller à l’essentiel : ne pas s’éparpiller pour faire plaisir à tout le monde et se dire qu’en vieillissant on peut faire plein de choses. On apprécie plus les moments. Je trouve qu’on profite plus aujourd’hui que quand on a 20 ans, je suis plus dans l’instant présent ;
  • Trouver un bon partenaire de vie ;
  • Savoir faire des choix. Je suis réputée pour savoir choisir et trancher, je fonctionne pas mal à l’instinct, ça peut enclencher tout un style de vie, j’ai passé le concours d’enseignant sur un coup de tête ;
  • Faire confiance à son instinct ;
  • Donc se connaitre et travailler sa confiance en soi.