« Bien vieillir, c’est être capable d’aller chercher en permanence ce qui va nous faire grandir »

Bonjour Elsa, pourrais-tu te présenter ?

Je m’appelle Elsa Georgelin et je suis Directrice de casting du Studio Félix The Cast que j’ai créé à 29 ans. Il y a donc 17 ans ! Depuis que j’ai 15 ans, je suis passionnée par la production. A l’époque, je collectionnais les photos des acteurs et des réalisateurs. Je m’en suis souvenue il n’y a pas si longtemps d’ailleurs. Je voulais travailler dans la production. J’ai donc fait des études à la fac dans ce sens pour alimenter ma culture sur le sujet. Finalement en sortant de mes études, j’ai trouvé un job d’Assistante de Production dans la publicité, milieu que je ne connaissais pas. C’est une activité que j’ai réalisée pendant 2 ans.

Ensuite, je suis partie faire de l’impression photos professionnelle. Et ça, c’était génial, j’ai rencontré plein d’artistes dont Yann Artus Bertrand… j’avais comme client les marques Issey Miyaké, Jean-Paul Gautier. C’était les débuts de Photoshop, et c’était fascinant. C’est comme ça que je me suis prise de passion pour l’image fixe, la photographie.

Ensuite, on est venu me chercher pour être assistante d’une Directrice de Casting qui travaillait principalement pour des mannequins. A l’époque, j’apprends beaucoup mais ça ne me passionne pas. Je décide d’ouvrir l’activité de cette Directrice de Casting aux comédiens.

C’est le moment où son entreprise ferme, et je décide de créer mon propre Studio, Félix The Cast. J’avais des clients, c’était évident.

Aujourd‘hui je suis donc Directrice de Casting pour de grandes marques qui me confient une partie de leurs budgets publicitaires pour sélectionner les meilleurs comédiens et/ou mannequins pour leurs publicités.

En parallèle, j’ai créé les sessions Polas d’Elsa afin que les mannequins et comédiens puissent mettre à jour leur profil très rapidement. Et depuis 2020, transmettre immédiatement leurs self tapes et polas aux agences et clients qui ont limiter les castings en présentiel.

Je réalise également des books comédiens et mannequins.

Et avec les réseaux sociaux qui sont devenus incontournables à une activité de comédien et de mannequin, je suis récemment sollicitée en qualité de Community manager.

Aujourd’hui, je peux dire ton âge, tu as 46 ans, quel est le rapport que tu as avec le fait de prendre de l’âge ?

Effectivement j’ai 46 ans et je dois dire que je me sens bien mieux qu’à 25 ans où je ne cessais de me poser des questions existentielles. Jeune j’étais très réservée, j’aimais être à distance. J’étais bien seule. Et à 29 ans, j’ai eu le déclic en montant ma boite. Depuis, je me sens alignée.

Aujourd’hui, j’ai de gros budgets mais je m’interroge sur ma structure que je souhaiterais plus agile, le casting se réduit, les castings passent par les réseaux sociaux, de moins en moins par les directeurs de casting et les agences d’ailleurs.

Il faut donc réagir, s’adapter et se remettre en question. C’est cela pour moi le « bien vieillir », c’est être capable d’aller chercher en permanence ce qui va nous faire grandir.

En créant les Polas d’Elsa, je me suis adaptée, en me disant, si les mannequins et comédiens doivent avoir du matériel pour répondre aux agences par internet, alors je vais leur proposer mon expertise de photographe pour qu’ils aient du beau matériel et non pas la photo qu’on prend dans son salon.

Je publie beaucoup ces photos sur mon compte Instagram car suis amenée aujourd’hui à faire de plus en plus de sélections sur internet et les réseaux sociaux.

L’autre intérêt du polas pour moi c’est que je continue à rencontrer les gens. Un autre point important pour bien vieillir, rester au contact des gens. Même si Instagram prend de plus en plus d’importance.

Aujourd’hui, mon activité de Community manager prend beaucoup plus de place et m’intéresse. J’aime mettre en valeur l’image du comédien ou du mannequin, raconter leur histoire de façon authentique.

Donc tous les 10 ans, je réalise que je dois me remettre en question, me réaligner : faire de la photo, envie de voir les gens, books à l’extérieur, polas,  réseaux sociaux … Et ne pas se couper des évolutions liées à mon métier.

Avec l’âge et en travaillant sur moi, je me sens de plus en plus légitime. Je sais ce que les comédiens et les réalisateurs ou les marques attendent.

Même si au niveau du travail, je suis toujours preneuse de bons conseils, aujourd’hui, je me sens la boss, je n’ai plus peur de dire « ça va bien se passer mais tu fais ce que je te dis de faire ». C’est ça l’âge aussi, c’est le résultat de l’expérience et ça m’a changée en bien, l’accès à l’autre.

J’ai travaillé pour ça. Car j’aime être seule mais aujourd’hui j’aime vraiment les gens.

Bien vieillir, c’est aussi, accepter l’autre comme il est, même s’il n’est pas comme toi, il ne vote pas comme toi, peu importe d’où il vient, je suis open, j’arrive à accepter l’autre comme il est. Ca m’a demandée un énorme effort mais le lâcher-prise c’est magique.

Et aujourd’hui, tous les âges se mélangent (40/50/60 ans) chez moi. Par contre, je ne sais pas où je me vois dans 10 ans.

Est-ce que tu peux me parler de tes clients ? les marques que vous représentez ?

C’est intéressant car j’ai eu un vrai étonnement sur un casting pour des appareils auditifs, j’ai vu des mannequins / comédiens de 50 ans qui faisaient 40, 60 qui faisaient 50, mes repères sont un peu bouleversés.

Donc aujourd’hui, pour mes briefs j’ai besoin de repréciser quel âge perçu est demandé.

Aujourd’hui, à 70 ans, les femmes sont très belles et très en forme. Ma mère a 81 ans, elle est parfaite, une énergie incroyable. Elle ne lâche rien.

Mais pour les marques qui passent par les agences, c’est l’inclusion qui prime avant l’âge en particulier. Parler de la vieillesse pour les marques, c’est penser qu’un pouvoir d’achat est présent. C’est le jeu de la publicité.

Mais cette démarche d’inclusion, peu importe l’objectif, fait du bien.

Est-ce que tu dirais que cela fait partie d’une politique QVT / RSE ?

Non pas vraiment. Je ressens plus ces enjeux sur les ethnies et les genres. Moins pour une histoire d’âge pour le moment.

Si tu devais prodiguer des conseils aux plus jeunes, aux seniors qui nous lisent ?

Bien vieillir c’est aller vers l’autre, s’intéresser aux autres et surtout se cultiver. Je vois beaucoup de jeunes qui n’ont pas de culture classique. La culture c’est l’éducation et l’éducation c’est ton vote plus tard, c’est du civisme. Et pour progresser dans la vie, il faut lire, voir par ses yeux, visiter des expositions. Il faut avoir une notion de l’effort, si on veut se développer, la vie c’est de l’effort. Et pour les plus âgés c’est pareil, s’il n’ont pas fait l’effort, ils ne se lieront pas aux autres (plus jeunes et plus vieux), et c’est la clé pour bien vieillir. L’intergénérationnel est primordial.